Lutte biologique contre le frelon asiatique : où en sont les recherches sur les champignons entomopathogènes ?
Les champignons entomopathogènes, comme Beauveria bassiana ou Metarhizium anisopliae, représentent une alternative écologique et ciblée aux pesticides dans la lutte contre le frelon asiatique (Vespa velutina). Voici un tour d’horizon des avancées scientifiques et des stratégies en cours de développement en 2025.
🍄 Comment agissent les champignons entomopathogènes ?
Ces champignons infectent et tuent les insectes en trois étapes principales :
1. Contamination
Une spore (forme microscopique du champignon) entre en contact avec la cuticule du frelon. Cela peut se faire par simple contact sur une surface contaminée. Ce mécanisme est similaire à certaines solutions naturelles pour éloigner les frelons.
2. Pénétration et prolifération
La spore germe, pénètre dans l’insecte, puis le champignon se développe à l’intérieur, en détruisant ses tissus. L’insecte meurt en quelques jours, comme observé dans les tests en laboratoire sur la souche CNCM I-5254.
3. Sporulation secondaire
Le cadavre du frelon devient une nouvelle source de spores, capable à son tour d’infecter d’autres frelons.
🧪 Avancées dans les recherches scientifiques
Identification de souches efficaces
La souche Beauveria bassiana CNCM I-5254 a montré une spécificité élevée envers le frelon asiatique. Contrairement aux pesticides classiques, elle préserve les abeilles et la biodiversité.
Tests en laboratoire
Les spores pénètrent la cuticule du frelon, se développent à l’intérieur et entraînent la mort. Le frelon mort devient un nouvel agent de contamination, complétant les méthodes pour se débarrasser des frelons efficacement.
Optimisation des formulations
Des travaux sont en cours pour améliorer l’adhérence des spores et leur résistance aux conditions extérieures.
📌 Etude menée en Chine, au Department of Entomology, College of Plant Protection, à la South China Agricultural University, située à Guangzhou.
L’étude a été reçue le 27 décembre 2023, acceptée le 22 avril 2024, et publiée le 2 mai 2024 dans la revue scientifique Frontiers in Microbiology.
L’équipe de recherche est composée de six scientifiques spécialisés en entomologie et biocontrôle :
- Xin-lian Li (première autrice)
- Jing-jing Zhang
- Dou-dou Li
- Xin-yan Cai
- Yi-xiang Qi
- Yong-yue Lu (auteur correspondant)
🎯 Pourquoi cette étude ?
La mouche orientale des fruits (Bactrocera dorsalis) est un ravageur majeur des cultures de fruits et légumes dans les zones tropicales et subtropicales. Elle cause d’importants dégâts économiques à travers le monde.
Or, les traitements chimiques couramment utilisés posent des problèmes croissants :
- développement de résistances,
- impact négatif sur les organismes non ciblés,
- pollution environnementale.
➡️ L’objectif principal de l’étude est donc d’identifier une alternative biologique efficace, en testant différentes souches du champignon entomopathogène Beauveria bassiana, et d’évaluer leurs effets sur les prédateurs naturels de B. dorsalis, afin d’élaborer des stratégies de lutte intégrée plus durables.
🔬 Résultats principaux :
- La souche B4 est la plus virulente :
→ 52,67 % de mortalité chez les larves
→ 61,33 % chez les pupes
→ 90,67 % chez les adultes - Aucun effet sur les œufs.
- Efficacité optimale à 25 °C et 91–100 % d’humidité relative.
- L’abamectine inhibe fortement la germination et la croissance de la souche B4.
- Risques avérés pour deux auxiliaires :
→ Amblyseius cucumeris : diminution des populations
→ Anastatus japonicus : mortalité accrue, ponte réduite
✅ Conclusion : La souche B4 est prometteuse pour le biocontrôle de B. dorsalis, à condition d’éviter l’abamectine et de protéger les auxiliaires.
🧬 Les travaux de l’INRAE sur les solutions de lutte biologique contre le frelon asiatique
Ces recherches ont commencé dans les années 2010, mais elles se sont intensifiées à partir de 2021 avec l’explosion des populations de Vespa velutina en France et en Europe.
Les essais de laboratoire et d’autoinoculation ont été conduits principalement en France, notamment dans des instituts comme l’INRAE (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement), et dans certaines universités espagnoles et portugaises, où le frelon asiatique est également bien implanté.
Des équipes de chercheurs en entomologie et mycologie issues de l’INRAE, de laboratoires de biocontrôle, ainsi que des collaborations internationales avec des entomologistes européens spécialisés dans les hyménoptères envahissants ont lancé ces études.
L’objectif est double :
- Limiter les impacts écologiques du frelon asiatique sur les abeilles domestiques et sauvages, dont il est un redoutable prédateur.
- Proposer une alternative biologique aux insecticides chimiques, dans une démarche respectueuse de l’environnement et compatible avec la préservation des pollinisateurs.
Voici le compte rendu de ces études:
🧾 Résumé des résultats
Une souche spécifique de champignon entomopathogène (Beauveria bassiana CNCM I-5254), isolée en Bretagne, a démontré sa capacité à infecter et tuer efficacement le frelon asiatique (Vespa velutina), sans affecter les espèces non-cibles. Des tests en laboratoire ont confirmé un taux de mortalité élevé (jusqu’à 80 %) en moins de 6 jours, notamment via une contamination directe ou par contact. Cette avancée ouvre la voie à une stratégie de lutte biologique ciblée, prometteuse et écologiquement responsable contre cet envahisseur.
🧐 Deux stratégies en cours d’étude
1. Inoculation directe dans le nid
Technique testée en laboratoire : injection de spores dans le nid à l’aide d’une perche ou d’un propulseur. Une stratégie utile pour des nids situés en hauteur, et habituellement hors de portée.
Limite : il faut localiser précisément le nid, ce qui reste complexe sans outils de repérage spécialisés.
2. Contamination indirecte (autoinoculation)
Un frelon capturé dans un piège intelligent est contaminé, puis relâché. Il retourne au nid avec les spores sur sa cuticule et contamine ses congénères.
🔁 Cela fonctionne comme un cheval de Troie biologique. Certains utilisaient du fipronil pour contaminer de cette même manière les nids de frelons asiatiques après avoir contaminé puis relâché des individus. Le fipronil a été interdit car sa rémanence était très importante et les conséquences trop néfastes sur les chaines alimentaires. Ce produit s’accumulait dangereusement dans les écosystèmes. Ce n’est pas le cas des champignons, qui en plus d’être monospécifiques, se dégradent rapidement si les conditions ne leur conviennent pas.
✅ Bénéfices de cette solution biologique
- 🌟 Ciblage précis : agit uniquement sur les frelons.
- 🐝 Sans danger pour les abeilles et les pollinisateurs.
- 🌿 Compatible avec une stratégie écoresponsable.
- ♻️ En complément des solutions biologiques contre les moustiques tigres ou les guêpes.
❗ Limites actuelles à surmonter
Retour au nid
Le succès de l’autoinoculation repose sur le retour effectif du frelon au nid, une difficulté également abordée par les systèmes de détection précoce par IA. Les frelons passent parfois plusieurs heures hors du nid. Certains ne reviennent au nid que le lendemain. Ils ont en effet la capacité à s’adapter, et à découcher si leur tournée journalière est trop lointaine.
Viabilité des spores
Les spores doivent résister à l’humidité, à la température et au temps de transport.
Surveillance environnementale
Il est essentiel de continuer à évaluer l’impact sur les autres espèces, y compris les prédateurs naturels des frelons. Les insectes non-cibles doivent être préservé ainsi que toute la chaîne alimentaire.
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📜 Conclusion : une stratégie à fort potentiel
Transformer le frelon asiatique en vecteur de sa propre extinction grâce à un champignon pathogène est une piste révolutionnaire. Couplée à une stratégie piégeage coordonné intelligent, cette approche pourrait à terme compléter ou remplacer les méthodes classiques de lutte contre ce redoutable envahisseur.
Dernière modification le avril 7, 2025 par Castagné Guillaume